Les vertus de la boulange maison – Pourquoi je fais du pain ?
Avant-hier ce fut une journée que j’appelle “SANS”. Le moral dans les chaussettes depuis un certain temps, des événements merdiques qui arrivent, une dispute pour couronner le tout et même le soleil s’est caché. La totale, quoi.
Dès le matin au réveil je savais que ce serait un jour SANS, à mon humeur, à mon corps tiraillé par ci par là, à mon niveau d’énergie bas à cause d’un sommeil pas au rendez-vous. Mais c’était aussi le jour du pain.
J’ai commencé à rassembler les ingrédients. Au lieu d’un pain simple, je me suis dit que c’était l’occasion d’expériementer une n-ième fois la nouvelle recette sur laquelle je travaillais depuis des semaines. Alors j’ai sorti des farines que je n’utilise pas tous les jours et aussi des graines pour m’amuser. J’ai commencé à peser les ingrédients et j’ai lancé le bassinage avec un peu de levain de miel.
Je me suis occupée de mon levain tôt le matin : je lui ai donné à manger et comme je comptais cuire le pain dès le soir, l’eau que j’ai utilisée était chaude pour accélérer le processus.
Une fois ces deux processus parallèles lancés, je me suis retirée dans mon bureau pour travailler. Après quelques heures j’en suis sortie pour vérifier l’état du levain. En regardant les petites et grandes bulles qui s’étaient formées, en voyant la surface bombée pleine de force et d’énergie, et en sentant l’odeur caractéristique du levain, je me suis sentie joyeuse tout à coup, et l’excitation pour la recette a commencé à monter.
Chaque pain est unique. Chaque recette peut réussir à merveille ou aller de travers à n’importe quel moment du processus. Il suffit d’une inattention, d’un courant d’air, d’une température pas adaptée, une impatience ou d’un emploi du temps qui ne colle pas à la recette et tout part en vrille. A ce moment-là, j’ai commencé à croire à ma recette. Un espoir ouvrait une petite brèche de lumière au bout du tunnel.
C’est donc avec un enthousiasme inespéré que je me suis mise à l’assemblage de la pâte. J’ai eu envie de mettre la main à la pâte plutôt que d’utiliser la machine. Je voulais sentir les bulle de levain impatientes sous mes doigts, mélanger la farine aux graines avec force et délicatesse. Mes mains ont senti la viscosité du levain en train de se mélanger aux farines. Mes doigts ont été piqués par les bouts pointus des graines de courge et j’ai senti mes muscles travailler dur pour pétrir la pâte dans un ensemble soyeux, lisse, élastique. J’ai pris le temps et du plaisir de malaxer, relever, replier la pâte dans le saladier et c’est avec une joie non dissimulée que je l’ai transférée sur le plan de travail pour en former une belle boule.
Certes, ce n’était pas forcément nécessaire pour la recette, mais j’avais envie d’aller au bout de la démarche et de vivre à fond cette expérience, alors j’ai fait quelque pliages, juste pour le plaisir.
J’ai aplati la pâte avec les mains, puis replié les deux bouts et tourné le rectangle pour répéter le geste. Il y a quelque chose de magique dans ces gestes répétitifs ancestraux, ils ont le pouvoir de m’ancrer, de me calmer et de me relier à la nature, à mes ancêtres et à la vie en lui donnant un sens : je nourris des êtres chers.
Quand après quelques minutes j’ai formé ma boule, je me sentais calme, forte et alignée. Bien entendu mes soucis n’avaient pas disparu, mais j’avais l’impression d’être à ma place et de pouvoir faire face. Et de toute façon, ce moment n’était pas consacré aux soucis mais à une attention exclusive portée à mon pain qui commençait à prendre forme, prendre vie.
J’ai rassemblé les coins de la pâte pour former ma boule finale. J’ai senti les graines rugueuses dans la pâte. J’ai senti l’élasticité de la pâte qui la rendait résiliente : à la fois souple pour accueillir le changement, mais suffisamment ferme pour garder sa forme. Je l’ai transférée délicatement , comme une boule précieuse, dans un banneton et je l’ai couverte avec soin. Je lui ai cherché un endroit où elle serait à l’abri des courants d’air, à température constante, où le processus de transformation pourrait avoir lieu en toute sécurité, à l’abri des dangers et des regards indiscrets.
Je suis retournée à mon travail avec un sourire satisfait aux lèvres; La satisfaction d’avoir fait du beau travail, d’avoir participé à la continuité de la vie, et à la transformation de quelques ingrédients en quelque chose de précieux qui va nourrir la famille m’a redonné le moral.
La créativité que j’ai pu mettre dans cette recette expérimentale me remplissait de joie et d’anticipation : j’étais curieuse de voir ce qui sortirait du four le soir. Mais même si cela ne réussissait pas, j’avais déjà énormément gagné juste en faisant la pâte.
Puis, le pain avait besoin de repos. Dans la boulange, on ne peut pas aller plus vite que le vent. C’est la plus sûre façon de rater son pain.
C’est avec ce sentiment d’avoir retrouvé un calme intérieur relatif dans ma vie que je me suis remise au travail et continué tout l’après-midi.
Quand j’ai fini, je suis allée directement à la cache secrète de mon pain en devenir. En ouvrant la porte du four éteint, j’ai senti l’odeur caractéristique de la fermentation du pain qui me rassure à chaque fois : tout va bien, ça suivait son cours.
J’ai sorti le banneton du four que j’avais allumé en mode préchauffage. Puis j’ai tiré la cocotte dédiée à la cuisson du pain et je l’ai placée dans le four également. Sa couleur chatoyante annonçait le début d’une nouvelle aventure et du bon pain pour le lendemain. Pendant le temps de préchauffage, j’ai vaqué à mes occupations. Puis est arrivé le moment décisif : sortir la cocotte brûlante du four, y placer le pain puis dessiner avec la lame des lignes selon l’envie du moment pour permettre au pain de gonfler sans déchirer. Je ne prémédite presque jamais ce dessin. Je laisse la lame guider ma main suivant ce qui se présente à ce moment-là. Parfois c’est juste un ou deux traits simples. Parfois ce sont de véritables dessins qui en sortent. C’est toujours une surprise que j’accueille avec bienveillance : la vérité du moment présent.
Puis j’ai recouvert la cocotte et hop, au four pour une heure. Quand je veux accentuer le croustillant de la croûte, j’enlève le couvercle après quelque temps, mais parfois je le laisse tout du long de la cuisson. Pendant la cuisson l’odeur du bon pain s’est répandue partout dans la maison. Il y a quelque chose de réconfortant de sentir l’odeur du pain, de savoir qu’il y aura à manger, d’anticiper le repas partagé.
Et quand la cuisson s’est terminée j’ai vu les dessins ouverts. J’ai admiré la couleur brun-doré, j’ai vu les traces de cercles du banneton, les bulles aux parois écartées sur la croûte et les graines minuscules de la farine blanche en contraste avec la couleur de la croûte. Quelle beauté. Même quand le dessin est nul, même si la forme du pain est de travers, même si le pain n’est pas très bombé. C’est beau. C’est mon pain.
J’aime bien laisser le pain en vue sur la grille pendant qu’il refroidit. A chaque fois que je passe à côté, il attire mon regard, et je me sens bien/entière/utile/aimée/aimante. Je suis émerveillée devant la nature et ses transformations, j’adore ces micro-organismes qui nous permettent de fabriquer, entre autres, ce pain. ET je sais que ça va continuer, je vais renourrir le levain et la vie continue.
J’ai couvert le pain pour la nuit avec un torchon de lin qui me vient de ma grand-mère. Elle l’utilisait déjà pour cela. C’est dans sa famille que ce torchon a été tissé par sa tante il y a deux siècles on voit les initiales brodées. Je perpétue donc une pratique ancestrale, en me reliant à mes ancêtres. Je ne suis pas seule.
E le lendemain matin on coupera le pain. On sentira l’odeur des farines cuites, on croquera la croûte, on tartinera le pain de beurre. On analysera le goût, l’aspect, la taille des bulles, leur nombre, leur emplacement, on discutera de la recette, des choses à changer ou à améliorer. Et surtout on mangera du pain maison au petit déjeuner, en famille. On s’émerveillera devant notre tartine. Avez-vous déjà observé votre tartine de près ? Si non, lisez cet article, vous ne la regarderez plus jamais de la même manière.
Tag:anxiété, dépression, pain, pleine conscience
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